Assise sur une chaise (6) devant la fenêtre de sa chambre, la vieille dame regarde sans voir, les yeux fixés sur un point imaginaire.
La maison (2) de retraite où elle s’est établie est devenue sienne depuis que les forces l’ont quittée. Les soignants s’occupent bien d’elle, mais il n’y a rien à faire pour la distraire. Elle passe ses journées derrière la vitre. Ses souvenirs sont si nombreux qu’ils se bousculent dans sa tête. Elle pense à son défunt mari qui aimait tant se rendre à la mare aux canards (1) pour se détendre un peu, à ses enfants qui viennent la voir tous les dimanches quand ils peuvent pour lui apporter un peu de réconfort. Elle pense aussi à ses petits-enfants qu’elle voit de moins en moins: les jeunes ne pensent pas toujours qu’ils seront vieux un jour.
Et le temps passe inexorablement. Elle pleure en imaginant son départ loin des siens entourée uniquement de personnes bienveillantes mais qui ne sont pas de sa famille.
Derrière la vitre de sa chambre la rue s’anime, les ouvriers courent au travail, les écoliers se chamaillent mais personne pour lui faire un petit signe d’amitié.
Le livre de sa vie est bientôt arrivé à la dernière page et bientôt il se refermera. Et quelqu’un d’autre viendra prendre sa place à la fenêtre.