Quand j’étais jeune, il y a fort longtemps, la vie n’était pas facile.
Les toilettes étaient au fond de la cour et je grimpais sur une planche en bois pour satisfaire mes besoins naturels. A un crochet pendaient les feuilles de papier journal (la Voix du Nord déjà) coupées en quatre et qui faisaient office de papier toilette.
Quant à la toilette quotidienne, elle se faisait de façon sommaire à l’évier de la cuisine seul point d’eau de toute la maison. Il n’y avait pas de salle de bain avec douche et baignoire. Le jour du grand bain était le samedi, le soir avant le repas qui consistait invariablement en une pomme de terre au four et une tranche de pâté. Ce soir-là donc, ma mère faisait chauffer un seau d’eau sur un trépied au gaz puis transvasait cette eau bouillante dans un grand baquet en tôle galvanisée dans lequel elle rajoutait de l’eau froide. Après avoir testé l’eau pour éviter les brûlures, elle me savonnait au savon de Marseille et me rinçait à l’aide d’une casserole qui faisait office de pommeau de douche (3). Un gant de toilette rugueux me griffait le dos. Elle ne connaissait pas la fleur (6) de douche.
Entre temps elle me recommandait de ne pas faire pipi dans l’eau car mon petit frère passait après moi dans le même baquet et la même eau. Il faut dire qu’en ce temps-là les économies étaient un peu forcées.
A la sortie du bain elle sortait du bec verseur (5) une noix de ‘Pento’ dont se servait mon père et m’enduisait les cheveux de ce corps gras pour faire tenir le cran qu’elle faisait tenir avec une pince.
Maintenant les bains ou douches sont quotidiens et l’eau tiède ou chaude coule sans souci du gaspillage.
Mais nous étions quand même heureux et même pas jaloux du voisin car on savait qu’il n’avait rien de plus que nous.